Un modèle pour prédire la croissance des arbres forestiers dans un nouvel environnement

Environnement et Énergie - Actualité Scientifique - Publiée le samedi 30 avril 2022

Avec l’accélération du changement climatique, les populations d'arbres forestiers font face à une augmentation des dépérissements, affectant un large éventail d'espèces et d'environnements. Face à cette situation alarmante, des stratégies de transplantation prenant en compte les mécanismes évolutifs sont à l’étude, par exemple la transplantation d’arbres vers des climats où ils seraient mieux adaptés. Des scientifiques d’INRAE et du CNRS ont ainsi développé des modèles de prédiction de la réponse des arbres à leur environnement, en prenant pour sujet d’étude la croissance en hauteur chez le pin maritime. Leurs résultats, publiés le 29 avril dans The American Naturalist, montrent que les modèles intégrant des données génomiques et climatiques prédisent mieux la croissance en hauteur des arbres par rapport aux modèles préexistants se basant sur les données climatiques seules. Ces travaux pourraient rapidement mener à des applications concrètes en conservation et gestion forestière, notamment à travers des stratégies de transplantation.

Les arbres sont des espèces « clés de voute » essentielles au fonctionnement et au maintien des écosystèmes. Mais, face à l’accélération des changements globaux, certaines populations d’arbres ne seront pas en mesure de s’adapter assez rapidement, et pourraient connaître des déclins démographiques voire des extinctions. Afin d’éviter de tels scénarios, des stratégies de conservation et de gestion forestière comme le déplacement d’arbres vers des climats auxquels ils seront mieux adaptés (stratégie du flux génétique assisté) ou vers des populations menacées qui manquent de diversité génétique (stratégie du sauvetage évolutif) peuvent être mises en place. Parce que ces décisions engagent les gestionnaires pour plusieurs années, il est nécessaire d’anticiper la réponse des arbres transplantés à leur nouvel environnement.

Jusqu’à présent, les modèles de prédiction se basaient principalement sur le climat d’origine des populations d’arbres transplantés. Or, les données génomiques constituent des informations précieuses sur les processus adaptatifs des arbres comme la croissance. Comme elles sont de plus en plus accessibles grâce au coût en constante diminution des technologies de séquençage, l’équipe de recherche* s’est intéressée à développer des modèles combinant données climatiques et génomiques pour améliorer la robustesse et la précision des prédictions.

Un modèle basé sur un large dispositif expérimental autour du pin maritime en France, Espagne et Portugal

Pour développer ces modèles, ils ont utilisé le pin maritime, espèce emblématique du bassin méditerranéen, comme modèle d’étude. Un dispositif expérimental de suivi a été mis en place sur cinq sites en France (Cestas Pierroton (33)), en Espagne (Asturias, Cáceres et Madrid) et au Portugal (Fundão) avec des arbres provenant de 34 populations de pins maritimes collectés sur l’ensemble de l’habitat naturel de l’espèce. Les scientifiques se sont concentrés sur la prédiction de la croissance en hauteur des arbres, un trait d’intérêt majeur chez les arbres forestiers tant d’un point de vue économique qu’écologique puisque les arbres grandissant le plus rapidement ont une probabilité plus élevée de survivre et de se reproduire.

Les résultats montrent que les variations de croissance en hauteur du pin maritime observées s’expliquent à la fois par les différents pools génétiques dont ils sont originaires et par les différents climats dans lesquels ils ont évolué. L’incorporation conjointe des données climatiques et génomiques dans les modèles a permis d’améliorer les prédictions de la croissance en hauteur des populations de 14 % à 25 % en moyenne selon les sites expérimentaux par rapport à des modèles uniquement basés sur des données climatiques.

Ces résultats sont prometteurs pour développer des modèles de prédiction de l’adaptation de population d’arbres transplantés dans un nouvel environnement dans le cadre de la conservation et de la gestion forestière.