Les composés du cuivre sont couramment employés comme fongicides en agriculture conventionnelle et biologique. Suite à la réapprobation européenne du cuivre comme substance active phytopharmaceutique, l’Anses a évalué des demandes d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits pour la France. Les autorisations délivrées par l’Agence en juillet 2025 couvrent l’ensemble des principaux usages du cuivre, avec des conditions d’emploi renforcées visant à mieux protéger la santé des travailleurs agricoles et à prévenir la contamination de l’environnement. En effet, si le cuivre présente un fort intérêt en agriculture, ses effets toxiques suscitent une vigilance croissante. Parallèlement à l’examen des produits, l’Anses a mené une expertise scientifique sur les impacts socio-économiques d’une éventuelle restriction des emplois de cette substance. Elle y souligne la nécessité d’explorer d’autres approches que la substitution « alternative par alternative ».
Le cuivre : une substance autorisée avec des points de vigilance
Les composés du cuivre (hydroxyde de cuivre, oxychlorure de cuivre, bouillie bordelaise et sulfate de cuivre tribasique) ont des propriétés fongicides et bactéricides exploitées, avec la bouillie bordelaise depuis le dix-neuvième siècle. Cette substance active est très utilisée en agriculture contre certaines maladies des plantes comme le mildiou en particulier.
Réapprouvés en Europe depuis janvier 2019, les composés du cuivre rentrent dans la composition de nombreux produits phytopharmaceutiques. Leur commercialisation est soumise à des autorisations de mise sur le marché (AMM) nationales. En France, l’Anses délivre ces autorisations.
En raison des propriétés toxiques des composés du cuivre pour l’homme et l’environnement, le règlement d’approbation de 2018 formule des points de vigilance sur les risques pour certains travailleurs et il limite les quantités à l’hectare pouvant être appliquées.
Depuis 2025, les composés du cuivre sont par ailleurs classés comme substance candidate à la substitution au titre du règlement (CE) n°1107/2009, du fait de leur persistance dans les sols et de leur toxicité pour les organismes aquatiques. Cela signifie qu’un usage agricole du cuivre peut ne pas être autorisé s’il existe des alternatives plus sûres à efficacité similaire.
L’Anses a tenu compte de l’ensemble de ces éléments pour procéder aux évaluations des produits à base de cuivre.
Des AMM qui autorisent les principaux usages agricoles, avec des mesures de protection renforcées
Suite à la réapprobation des composés du cuivre applicable au 1/1/2019, l’Anses a examiné des demandes d’AMM déposées en France par les fabricants de produits phytopharmaceutiques, qui portent sur de très nombreux usages agricoles.
Pour tenir compte des risques sanitaires et environnementaux, avec les points de vigilance propres au cuivre, l’Anses a :
- Réalisé l’évaluation comparative obligatoire pour cette substance « candidate à la substitution » : au regard des alternatives de traitement existantes, l’Agence conclut à une substitution possible pour le traitement du mildiou de la tomate sous abri quel que soit le type de filières de production.
- Analysé les mesures de gestion des risques possibles en examinant les conditions d’autorisation déjà explorées dans d’autres États membres, puis sollicité l’avis du Comité de suivi des autorisations de mise sur le marché (CS AMM) sur l’impact et sur la faisabilité des mesures de maîtrise des risques que l’Agence envisageait pour ses décisions d’AMM.
En juillet 2025, l’Anses a rendu ses conclusions pour 34 produits à base de cuivre. Globalement, l’ensemble des principaux usages du cuivre sont couverts par les autorisations délivrées par l’Agence, même si des refus d’usages ont été prononcés pour certains produits du fait de non-conformités avec les exigences légales (sur les niveaux de résidus par exemple).
Ces autorisations renforcent les conditions d’utilisation avec, notamment, des mesures pour limiter l’exposition des travailleurs et les contaminations des eaux et des sols. Dans certains cas, des données supplémentaires devront être fournies par les industriels pour statuer sur des risques particuliers s’agissant des oiseaux et des mammifères.
Des impacts socio-économiques importants en cas d’absence de traitement à base de cuivre
En 2020, le cuivre figurait au neuvième rang des substances actives les plus vendues en agriculture en France. Selon le rapport sur la cartographie des utilisations des produits phytopharmaceutiques à base de cuivre en France publié par l’Anses en 2022, l’importance du cuivre pour la protection phytosanitaire varie selon les cultures et les modes de production. Elle est particulièrement critique en agriculture biologique. Bien que les tonnages utilisés soient plus faibles au total en agriculture biologique, la dose appliquée par hectare y est souvent plus élevée qu’en agriculture conventionnelle.
En amont de la prochaine réévaluation européenne de la substance active et pour anticiper les effets de nouveaux changements pour les filières agricoles, l’Anses s’est saisie pour engager une analyse des impacts socio-économiques d’une éventuelle restriction, voire interdiction, des produits phytopharmaceutiques à base de cuivre en France, tant en agriculture conventionnelle qu’en agriculture biologique.
Cette expertise a été menée avec l’appui du comité d’experts spécialisé en analyse socio-économique de l’Agence. Il s’agit d’une approche prospective basée sur une méthode différente et des données plus larges que celles employées pour l’évaluation comparative des possibilités de substitution réalisée lors de l’examen des demandes d’AMM des produits.
L’Anses a évalué des scénarios de réduction ou de suppression d’usage du cuivre dans les filières vigne et pomme, en agriculture conventionnelle et biologique, et pomme de terre en agriculture biologique. Certains de ces scénarios identifient des combinaisons d’alternatives au profil environnemental et sanitaire globalement plus favorable, et qui apparaissent techniquement - et parfois économiquement - envisageables. Toutefois, la disponibilité de ces alternatives est encore souvent limitée. Par ailleurs, elles nécessiteraient pour certaines filières des efforts d’adaptation conséquents et une transition coûteuse à court terme.
Face aux difficultés à remplacer le cuivre dans le modèle agricole actuel, en particulier pour les productions biologiques, l’analyse socio-économique menée par l’Anses conclut qu’il est nécessaire d’explorer des approches agronomiques plus systémiques, plutôt qu’« alternative par alternative », pour concevoir des stratégies de réduction du cuivre viables à long terme. Ces approches peuvent s’intéresser à des combinaisons d’alternatives et aller jusqu’à envisager de nouveaux modèles de production.