Au-delà de l’exposition à des substances et produits chimiques, certaines activités ou conditions de travail peuvent provoquer ou favoriser l’apparition de cancers. L’Anses a élaboré une méthodologie afin d’évaluer le caractère cancérogène de ces procédés de travail, pour mieux prévenir les risques associés pour les travailleurs.
Si la classification des substances et produits chimiques cancérogènes repose sur des critères définis par le règlement européen relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage (dit règlement CLP), ce n’est pas le cas des procédés ou circonstances d’exposition susceptibles de provoquer des cancers chez les travailleurs.
Dans le cadre de l’expertise qu’elle vient de mener, l’Anses a considéré que toute tâche, organisation ou condition de travail exposant à des agents chimiques, biologiques ou physiques entre dans la définition de procédés de travail potentiellement cancérogènes. Cela peut par exemple être des travaux qui émettent un ensemble de gaz, de particules ou de poussières nocives, comme lors d’opérations de soudage ou de ponçage. L’exposition aux rayonnements UV du soleil ou l’activité de nuit entrent également dans cette définition.
Disposer d’une base scientifique pour définir les procédés cancérogènes
Afin de combler l’absence de critères tant au niveau européen que français, la Direction générale du travail a demandé à l’Anses de proposer une méthodologie pour identifier les procédés cancérogènes sur une base scientifique. Cette identification a pour objectif de soutenir leur inscription à l’arrêté du Code du travail fixant la liste des substances, mélanges et procédés cancérogènes.
L’inscription des procédés à cet arrêté permet de mieux protéger les travailleurs exposés. En effet, lorsqu’un procédé est reconnu comme cancérogène, des mesures d’évaluation et de prévention doivent être mises en place, de même qu’un suivi médical individuel renforcé. Les employeurs doivent également substituer les procédés cancérogènes lorsque cela est possible.
Une méthodologie qui s’appuie d’abord sur les résultats des travaux internationaux
Pour établir la méthodologie d’identification des procédés cancérogènes, le groupe de travail de l’Anses a tout d’abord recherché les différentes organisations existantes procédant à la classification du caractère cancérogène de procédés ou de circonstances d’exposition. En dehors du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), dont les travaux sont internationalement reconnus, seules deux institutions disposant d’une méthodologie scientifique et d’une expérience en matière de classification de cancérogénicité de procédés ont été identifiées : une aux Pays-Bas et une aux États-Unis.
Pour déterminer si un procédé est cancérogène, le groupe d’experts recommande de regarder en premier lieu si ce procédé a été classé par le CIRC. Si c’est le cas, une recherche bibliographique des travaux publiés après cette classification doit être menée, afin de tenir compte des nouvelles données. L’objectif est notamment de préciser les organes touchés et de déterminer le niveau de preuve, c’est-à-dire le degré de certitude du lien causal entre l’exposition dans le cadre de la mise en œuvre du procédé et la survenue d’un cancer.
À défaut, une évaluation spécifique au cas par cas
En l’absence d’évaluation disponible, une expertise approfondie du procédé devra être confiée à un groupe de travail spécifiquement mis en place. Celle-ci consistera à comparer les données de cancérogénicité existantes chez l’être humain et l’animal, afin de s’assurer qu’elles remplissent les critères de classification utilisées dans le règlement CLP pour les substances cancérogènes, en incluant une évaluation de la causalité, comme ce qui mis en œuvre notamment par le CIRC.
La méthodologie proposée par l’Anses a déjà été mise en œuvre pour proposer d’ajouter les travaux exposant aux fumées de soudage ainsi que ceux exposant à différentes substances actives de médicaments anticancéreux à la liste des procédés reconnus comme cancérogènes. Une identification des procédés à évaluer en priorité pour déterminer leur caractère cancérogène est actuellement en cours par l’Agence et devrait être publiée en 2024.