Politique agricole commune : Bruxelles veut assouplir la conditionnalité environnementale

Environnement et Énergie - Actualité Scientifique - Publiée le lundi 18 mars 2024

Actu Environnement publie un article en accès libre relatif à l'assouplissement de certaines dispositions environnementales de la politique agricoles commune : 

« L'Europe avance au service des agriculteurs », s'est réjoui le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau. Le vendredi 15 mars, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement (1) révisant la Politique agricole commune (PAC) décidée pour la période 2023-2027. Celle-ci vise « à réduire les charges administratives pesant sur les agriculteurs et à renforcer l'équité dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire » et, en conséquence, à « offrir une plus grande souplesse aux États-membres pour atteindre les objectifs de la PAC », notamment sur le plan environnemental, esquisse le Polonais Janusz Wojciechowski, le commissaire européen à l'agriculture. La réponse de Bruxelles à la forte mobilisation agricole observée depuis le début de l'année dans de nombreux pays de l'Union, y compris la France.

Recul sur quatre des neuf normes environnementales

Concrètement, la Commission européenne propose principalement au Parlement européen et au Conseil de l'Union européenne de modifier quatre des neuf normes dites de « bonnes conditions agricoles et environnementales » (BCAE). Celles-là même qui ouvrent à la plupart des aides perçues par les agriculteurs. D'abord, Bruxelles veut offrir plus de flexibilité aux États-membres dans la définition des « périodes sensibles » de l'année durant lesquelles les agriculteurs sont soumis à la couverture des sols de leur parcelle (BCAE 6). Elle souhaite ensuite effacer le respect strict de la rotation des cultures (BCAE 7), au profit d'une option de diversification des espèces cultivées simultanément. S'agissant de l'obligation de conserver un minimum de terres en jachères (BCAE 8), la Commission européenne veut, là encore, ouvrir la voie au volontariat, laissant à la place le choix aux agriculteurs de planter des haies ou des arbres (choix qui sera alors financé par un nouveau programme d'aides). Pour rappel, Bruxelles permet déjà aux agriculteurs européens de déroger à cette « obligation jachères » pour l'année en cours. Enfin, elle recommande de permettre le labourage sur au moins une partie des prairies permanentes de sites classés Natura 2000 (BCAE 9), si la pression des prédateurs ou d'espèces exotiques envahissantes s'avèrent trop fortes.

La proposition de règlement prévoit également d'exempter les petites exploitations (moins de dix hectares) de contrôle et de sanction relatifs au respect de ces normes, d'introduire des dérogations temporaires face à des « conditions météorologiques défavorables » et de doubler le nombre de modifications qu'un État-membre peut apporter chaque année à son Plan stratégique nationale (PSN), sa propre déclinaison de la PAC. « Il est désormais de la plus haute importance que les colégislateurs parviennent en temps utile à un accord sur la proposition législative présentée aujourd'hui afin de rassurer les agriculteurs sur le fait que ces nouvelles mesures peuvent s'appliquer dès que possible », insiste la Commission.

Des mesures à l'encontre des paysans ?

Pour Bruxelles, ces reculs sont « soigneusement calibrés et ciblés afin de maintenir un niveau élevé d'ambition environnementale et climatique dans la PAC actuelle ». Conclusion à laquelle la Confédération paysanne n'adhère pas : « Les aides directes de la PAC pourront donc être versées à des bénéficiaires qui détruisent massivement les sols, la qualité de l'eau et la biodiversité ». Pour le syndicat agricole, les révisions proposées par la Commission européenne risquent « d'engendrer monocultures, surproductions, baisse des prix agricoles », d'un côté, et de mettre en danger, de l'autre, les « éleveurs, céréaliers en zones intermédiaires, maraîchers et apiculteurs » qui subissent les « dérives agricoles [en matière d'environnement] les plus destructrices ». En somme, « la proposition de la Commission européenne ne garantit même pas une incitation réelle à la transition agroécologique : ni bâton ni carotte sur les pratiques agroenvironnementales, ce qui renforce l'agriculture productiviste ».

Deux organisations environnementales, le collectif Nourrir et l'ONG britannique ClientEarth, ont par ailleurs déjà attaqué l'approbation par Bruxelles du PSN français, et en écho le modèle de la PAC actuelle, pour des raisons similaires. La plainte, déposée en juillet 2023 devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), doit encore être discutée d'ici à la fin de l'année.