Les maladies vectorielles transmises aux animaux d’élevage représentent un fort enjeu économique. La transmission d’agents pathogènes par des vecteurs, qu’il s’agisse d’insectes ou de tiques se nourrissant de sang, accélère en effet leur propagation géographique, à l’image de la maladie hémorragique épizootique détectée en 2023 en France hexagonale ou de la besnoitiose, une maladie transmise par des insectes hématophages historiquement présente dans le sud de la France mais qui a tendance à se propager vers le nord. Connaître la distribution et les conditions de vie des arthropodes vecteurs est nécessaire pour anticiper les risques de propagation et mettre rapidement en place des mesures de prévention et de gestion adaptées.
Malgré ces enjeux, aucun panorama de la présence des arthropodes vecteurs dans les élevages français ou des agents pathogènes qu’ils sont susceptibles de transmettre aux animaux n’était disponible jusqu’à présent. Pour remédier à cette absence, l’Anses a financé une revue de littérature qui a été confiée à l’École nationale vétérinaire de Toulouse.
Les arthropodes hématophages représentent un double enjeu sanitaire : ils peuvent transmettre des agents pathogènes et leurs piqûres peuvent aussi provoquer des allergies, des démangeaisons, des atteintes au bien-être des animaux, voire des anémies.
La revue de la littérature a permis d’identifier 13 familles d’arthropodes se nourrissant de sang susceptibles d’impacter la santé des bovins. Parmi elles, les moucherons piqueurs du genre Culicoides sont les principaux vecteurs d’agents pathogènes pour les bovins. Ils peuvent notamment transmettre les virus de la fièvre catarrhale ovine et de la maladie hémorragique épizootique.
Les tiques, les mouches hématophages, les puces, les taons, les poux et les moustiques font également partie des vecteurs potentiels. Certaines de ces familles comptent plusieurs centaines d’espèces différentes.
Ce travail de synthèse a également permis d’analyser les méthodes de collecte mises en œuvre et les connaissances acquises, que ce soit sur la biologie des vecteurs, leur distribution géographique, leur abondance ou les risques pour la santé animale.
Dans le cadre de cette revue, les scientifiques ont examiné 290 publications. Plus de 85 % d’entre elles ne donnaient pas d’information sur le type d’élevage (production laitière, de viande ou mixte, race élevée) dans lequel la recherche avait été menée. Des informations sur les pratiques d’élevage, comme la taille de la ferme ou l’accès à l’extérieur, étaient également lacunaires. De plus, les études scientifiques étaient pour la plupart réalisées sur un temps court, ne permettant pas d’analyser l’impact de paramètres climatiques ou météorologiques. « Ce manque d’informations est un frein majeur à l’identification des facteurs déterminant la présence d’arthropodes vecteurs et le risque de transmission de maladies dans les élevages bovins », estime Elsa Quillery, coordinatrice d’expertise scientifique à l’Anses.
Autre constat de la publication : la forte diminution du nombre d’entomologistes spécialistes des espèces d’intérêt vétérinaire et médical entraine un déficit de projets de recherche pour identifier les vecteurs et évaluer leurs risques pour la santé des populations. Ainsi, la majorité des études décrivant les arthropodes hématophages présents dans les élevages en France ont été faites avant les années 1980.
Une meilleure caractérisation des facteurs déterminant la présence des vecteurs dans les élevages est pourtant essentielle pour anticiper et prévenir les risques de transmission d’agents pathogènes aux animaux et, pour certains d’entre eux, aux êtres humains.