Une méthode innovante pour mieux mesurer l'exposition alimentaire à l'arsenic

Sécurité des aliments - Actualité Scientifique - Publiée le vendredi 23 mai 2025

Certaines formes d’arsenic sont toxiques, voire cancérogènes. Le Laboratoire de sécurité des aliments de l’Anses a mis au point une méthode innovante qui permettra de mieux mesurer leur concentration dans différents aliments. Cette avancée permettra une évaluation plus fine de l’exposition des consommateurs et des risques pour leur santé.

Mesurer les différentes formes d’arsenic dans différents aliments

L’arsenic est à la fois présent naturellement dans le sol et rejeté dans l’environnement par les activités humaines, en particulier la production industrielle. Il peut se retrouver dans l’eau potable et dans les aliments.

La toxicité de l’arsenic dépendant de sa forme chimique, il est important de mesurer la présence de ces différentes formes dans l’alimentation pour mieux protéger la santé humaine. Dans cette optique, l’unité Éléments traces et nanomatériaux du laboratoire de sécurité des aliments de l’Anses a développé et validé une nouvelle méthode d’analyse qui permet d’identifier et de quantifier les différentes formes chimiques de l’arsenic, aussi appelées espèces, dans une large variété d’aliments.

Quatre espèces d’arsenic peuvent ainsi être distinguées : deux inorganiques, l’arsenic (III) (arsénite) et l’arsenic (V) (arséniate), et deux organiques, l'acide monométhylarsonique (MMA) et l'acide diméthylarsinique (DMA). Les espèces d’arsenic inorganiques, comme l’arsénite et l’arséniate, sont connues pour être cancérogènes et particulièrement toxiques. Les formes organiques complexes sont considérées comme moins toxiques en l’état actuel des connaissances. Cependant, des données récentes montrent que les petits composés organo-arséniés comme l’acide monométhylarsonique (DMA) et l'acide diméthylarsinique (MMA), seraient toxiques, en particulier le DMA qui pourrait être associé à une augmentation de l'incidence de cancers.

Les méthodes analytiques disponibles jusqu’à présent ne permettaient qu’une quantification partielle ou imprécise des différentes espèces d’arsenic et n’étaient utilisables que pour certaines familles d’aliments : « Il existe une méthode officielle « standard » pour déterminer la teneur en arsenic inorganique dans les aliments d'origine marine et les végétaux, mais elle le mesure de façon globale, sans distinction des espèces. Par ailleurs, il n’existe pas de méthode standardisée pour la détermination des espèces organiques d’arsenic », détaille Axelle Leufroy, chargée de projet et co-encadrante de la thèse qui a permis de développer la nouvelle méthode. « Nous avons adapté et optimisé la méthode officielle pour l’étendre à d’autres familles d’aliments et d’autres espèces d’arsenic. Elle se base sur une technique de chromatographie liquide, qui permet de séparer les espèces, couplée à une technique de spectrométrie de masse (ICP-MS) pour les détecter. »

Une application concrète pour mieux connaître l’exposition de la population

« Cette méthode a été développée dans le cadre d’un projet de doctorat en lien avec la troisième Étude de l’alimentation totale française (EAT3) menée par l’Anses », explique Petru Jitaru, chef de l’unité Éléments traces et nanomatériaux et directeur de la thèse. « Nous l’avons appliquée avec succès à l’analyse d’environ 300 échantillons appartenant à 19 groupes d’aliments différents parmi les plus consommés en France, comme les plats préparés, les boissons (alcooliques, jus de fruits, boissons chaudes, etc.), les céréales, les fruits, les biscuits, le pain, les légumes et les produits de la mer ». Parmi ceux-ci, environ 130 échantillons provenaient de l’agriculture biologique, tandis que 165 échantillons étaient issus de l’agriculture conventionnelle.

La méthode mise au point permettra d’affiner l’étude de l’exposition de la population aux espèces d’arsenic et d’évaluer plus précisément des risques pour la santé, plutôt que de se baser sur des estimations théoriques, comme c'est généralement le cas. Des travaux similaires ont été menés dans le cadre du projet de thèse sur d’autres éléments, comme le mercure et le chrome.