Du dioxyde de titane détecté dans le lait, malgré l’interdiction du E171

Sécurité des aliments - Actualité Scientifique - Publiée le mercredi 23 juillet 2025

Le dioxyde de titane est un composé classé cancérigène potentiel chez l’être humain par inhalation depuis 20061. Utilisé comme colorant blanc et opacifiant dans l’alimentation (E171) jusqu’à son interdiction par mesure de précaution en France dès 2020* et dans les pays de l’Union européenne en 2022, ce composé nanoparticulaire et microparticulaire reste massivement employé dans une multitude de produits du quotidien (dentifrices, crèmes solaires, médicaments, plastiques, maquillage, papier, peintures, etc.). De précédentes études ont démontré la présence de particules de dioxyde de titane dans les eaux de surface2 (lacs, rivières, mares, canaux, mers), dont celles utilisées pour produire l’eau potable3 et alimenter les piscines4, dans les nappes phréatiques5, dans les sols6 et dans l’air7, où elles rejoignent celles relarguées par l’activité industrielle8, par l’érosion des peintures et vernis des bâtiments9 ou par leur utilisation comme engrais sous forme de nanoparticules10.

Pour mieux évaluer l’impact de ce relargage massif du dioxyde de titane sur les êtres vivants et mesurer l’exposition réelle des animaux et humains, des scientifiques d’INRAE, de l’AP-HP, du synchrotron SOLEIL et du CNRS ont étudié la présence de dioxyde de titane dans le lait humain et d’animaux et dans le lait infantile, le lait étant le reflet de l’exposition maternelle et la nourriture essentielle et irremplaçable des nouveau-nés sur laquelle repose leur développement et leur santé.

Des nanoparticules détectées dans la majorité des laits

Les techniques d’analyse en spectrométrie effectuées au synchrotron SOLEIL et à l’hôpital Lariboisière à Paris, non destructives, ont permis de caractériser le dioxyde de titane, de doser le titane total, de détecter les particules individuelles de titane et de déterminer leur taille à l’échelle du nanomètre. La taille est importante car les particules d’une taille inférieure à 100 nm sont classifiées comme nanoparticules et sont massivement manufacturées pour leurs propriétés physico-chimiques différentes des particules plus grandes.

L’analyse des échantillons révèle la présence de nanoparticules de titane dans 100 % des laits animaux (frais ou en poudre, issus de vaches, d’ânesses ou de chèvres, en agriculture biologique ou conventionnelle) et dans 83 % des laits infantiles analysés (issus du commerce, du 1er au 3e âge**, en agriculture biologique ou conventionnelle).

Le dioxyde de titane passe la glande mammaire

Les particules de dioxyde de titane ont été détectées dans les laits maternels des 10 femmes volontaires vivant à Paris ou en proche banlieue, à des taux variables, certaines femmes présentant jusqu’à 15 fois plus de particules que d’autres. Cela constitue une preuve que le dioxyde de titane peut passer la barrière de la glande mammaire.

Grâce à cette technique d’analyse récente, 6 millions à 3,9 milliards de particules de titane ont été détectées par litre de lait infantile, et de 16 à 348 millions de particules de titane par litre dans les laits animaux.

Il existe d’autres sources de titane

Cet état des lieux de la contamination actuelle des laits reflète le niveau d’exposition des nouveaux-nés et des mères, mais également des consommateurs adultes de lait. De précédents travaux pilotés par INRAE avaient mis en évidence que des nanoparticules de dioxyde de titane consommé via les aliments pendant la grossesse étaient retrouvées dans le placenta. Cette nouvelle étude montre que la naissance ne présente pas un arrêt de l’exposition, avec une détection de particules de titane dans le lait malgré l’interdiction du E171 dans l’alimentation, ce qui suppose l’existence d’une contamination par d’autres voies que la voie alimentaire.

La caractérisation des particules dans le lait telle que réalisée dans cette étude (taille, % de moins de 100 nm, type de minerais, forme cristalline) devrait servir de base aux futures études pour évaluer la toxicité des cocktails de particules qui ont été identifiées selon l’espèce et le type de lait.

De prochains travaux auprès de femmes vivant en région parisienne (les zones urbaines étant connues pour avoir des taux d’exposition aux particules de titane plus importantes) permettront d’investiguer les effets des habitudes alimentaires, de l’utilisation de cosmétiques, de médicaments, et d’autres produits contenant du dioxyde de titane sur le niveau d’exposition.